Rendre imparfait, peut-il améliorer ?
Telle est la question que je soumets aujourd’hui à votre réflexion musicale.
# 1 L’art des cadences
L’art des cadences, c’est celui de la ponctuation musicale. Les relecteurs de textes littéraires le savent, préférer un point-virgule à une virgule, mettre un point d’exclamation là où il n’y avait qu’un simple point nuance, affine le propos. Ce sont de petites améliorations qui ont leur importance.
Il en va de même avec la ponctuation musicale. Les grandes cadences qui ponctuent les phrases musicales relèvent de deux catégories :
- La suspension pour la demi-cadence (arrêt sur le degré V) et la cadence rompue (enchaînement V – autre que I, souvent VI).
- La conclusion pour la cadence parfaite (enchaînement V – I) et la cadence plagale (IV – I).
Mais il y a moyen de nuancer l’impression sonore suspensive ou conclusive engendrée par ces cadences. Voyons comment.
# 2 La demi-cadence
Reprenons la solution d’un jeu que je vous ai proposé dans un autre article :

On trouve ici une série d’enchaînements V – I en DO Majeur dont l’effet cadentiel sonore varie du plus suspensif au plus conclusif. À quoi cela est-il dû ?
À l’état de renversement dans lequel un certain nombre d’accords du Ve et/ou du Ier degré sont présentés. Il suffit qu’un des deux accords soit renversé pour que l’enchaînement V – I que l’on connaît sous le nom de cadence parfaite, soit qualifié de cadence imparfaite.
# 3 Les états renversés nuancent la couleur sonore de l’accord
1 L’état fondamental
Prenons un accord parfait à 3 sons, do-mi-sol, Ier degré de DO Majeur. Il comprend une basse et, par rapport à cette basse, une 3ce et une 5te.
Le rôle de la basse est déterminant. Dans cet état, elle constitue la note de la gamme (do) qui donne naissance à l’accord. C’est son fondement. On l’appelle la fondamentale et l’état de l’accord (do-mi-sol) l’état fondamental.
Je précise que do-mi-sol en est la position resserrée la plus simple, mais tout accord qui comprend des do, des mi et des sol à toutes sortes de hauteurs ET DONT LE SON LE PLUS GRAVE ENTENDU EST LE DO est de même considéré comme étant à l’état fondamental.
2 L’état de renversement
Il suffit que cet accord resserré ou pas n’ait plus do comme basse, mais mi (mi-sol-do) ou sol (sol-do-mi) pour être à l’état de renversement. Par conséquent, un accord à 3 sons possède un état fondamental et 2 renversements.
Quelle modification sonore le changement d’état fondamental en état de renversement produit-il ? L’accord perd de sa solidité ou stabilité. Il garde sa couleur selon son degré, mais la nuance d’une plus grande légèreté ou instabilité.Mais alors, s’il est possible d’alléger une cadence parfaite (V – I) en renversant au moins un de ses deux accords, c’est-à-dire en la rendant imparfaite, peut-on agir de même sur les autres cadences ?
# 4 Les cadences imparfaites
Dans leur théorie complète de la musique, Jacques Chailley et Henri Challan présentent un tableau des cadences classiques qui comprend une colonne consacrée aux cadences imparfaites (page 24, volume 2).
Voici un exemple, en DO Majeur, pour chaque cadence imparfaite autre que V – I :

# 5 Conclusion
c
Quel effet le fait de rendre imparfaites ces différentes cadences a-t-il sur leur sonorité ?
Cela dépend !
- Sur la demi-cadence, cela accentue son caractère suspensif (plus légère).
- Sur la cadence rompue, l’effet de surprise est différent, mais cela garde son caractère suspensif
- Sur la cadence plagale, cela renforce son caractère conclusif.
Tout dépend de l’usage que l’on veut faire de ces cadences imparfaites. Finalement, les rendre imparfaites peut-il les améliorer ? Absolument, à condition de placer la bonne cadence au bon moment !